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par expender » 08 janv. 2008 21:43
voici quelques infos intéressantes:
DE L'HYPNOSE ANIMALE A L'HYPNOSE HUMAINE
ALBERT DEMARET
II existe une " expérience d'hypnose " bien connue, pratiquée autant par des magnétiseurs de foire et par des gamins de village que par des chercheurs scientifiques : elle consiste à obtenir une immobilisation prolongée des animaux, comme des poules et des lapins, en les maintenant renversés sur le dos pendant quelques instants avant de relâcher la coercition exercée. Cette réaction d'immobilisation, décrite il y a plus de trois siècles par le R.P. Kircher, est considérée comme un phénomène d'hypnose animale par un certain nombre de chercheurs, parmi lesquels Pavlov, Schilder et Freud. Celui-ci s'exprimait ainsi à ce propos : " Une particularité de l'état hypnotique consiste dans une sorte de paralysie de la volonté et des mouvements, paralysie résultant de l'influence exercée par une personne toute puissante sur un sujet impuissant, sans défense et cette particularité nous rapproche de l'hypnose que l'on peut provoquer chez les animaux par la terreur " [11].
Toutefois la question de savoir s'il s'agit bien là d'un comportement apparenté à l'hypnose humaine a été et demeure controversée, ainsi que c'est habituellement le cas lorsque l'on fait référence à l'animal à propos de comportements humains.
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S'il existe de nombreuses techniques d'immobilisation " hypnotique " des animaux [4], la mieux connue est sans doute celle utilisée chez la poule par Kircher, en 1646. Kircher lie ensemble les pattes d'une poule et la dépose sur le sol, couchée sur le flanc. L'oiseau fait quelques efforts pour se libérer, puis se calme. Un long trait rectiligne est alors dessiné à la craie sur le sol, en partant du bec de l'oiseau et on défait ensuite le lien qui enserrait les pattes. Quoique potentiellement libre, la poule ne fait aucun geste et conserve l'immobilité pendant de longues minutes. Kircher interprétait le phénomène en donnant au trait de craie une importance majeure. Selon lui, l'imagination de l'oiseau lui faisait confondre le trait de craie avec le lien qui l'entravait : il ne réagissait donc plus à l'enlèvement de celui-ci.
D'où l'appellation donnée par Kircher " experimentum mirabile de imagi-natione gallinae ". En fait, cette expérience doit avoir frappé plus encore l'imagination humaine que celle des gallinacés car le trait de craie, qui lui a valu sa renommée, n'est en rien nécessaire. Et cependant, nombreuses sont les personnes qui pensent encore de nos jours que les poules peuvent être immobilisées par le seul effet de la fascination exercée par un trait de craie tiré sous leurs yeux.
En réalité, il suffit de retourner l'animal sur le dos et de le maintenir de force dans cette position jusqu'à ce qu'il se calme, pour qu'il conserve cette attitude imposée après que l'on aura plus ou moins progressivement relâché la contrainte exercée. Il n'est besoin ni de lien, ni de trait de craie. Celui-ci a peut-être le pouvoir de prolonger l'immobilisation mais il est mieux établi que c'est le regard de l'expérimentateur qui possède surtout ce pouvoir [12]. L'expérience peut être reproduite chez un très grand nombre d'espèces, depuis les amphibiens jusqu'aux mammifères. Certaines espèces se montrent très sensibles, comme la poule et le lapin, d'autres le sont nettement moins, comme le chat et le chien, encore que certaines méthodes appropriées à ces espèces " réfractaires " donnent des résultats, surtout chez les jeunes. Suspendre un chiot ou un chaton par la peau de la nuque, par exemple, provoque facilement une immobilisation des membres.
Ainsi immobilisés sur le dos ou dans une autre position insolite, certains animaux montrent une tendance à la conservation des attitudes imposées et il semble même qu'ils présentent de l'analgésie, ce qui n'est pas sans intérêt dans un rapprochement avec l'hypnose humaine. Il est possible en effet de réaliser des interventions chirurgicales mineures sur des animaux simplement renversés sur le dos, sans qu'ils paraissent en souffrir.
Malgré cela, beaucoup de chercheurs ont évité d'appeler " hypnose animale " cette réaction d'immobilisation et ont préféré la dénommer autrement : catalepsie, catatonie, inhibition paroxysmale (Svorad), immobilité tonique [12], ou encore simulation de mort.
Cette dernière dénomination nous conduit à décrire la valeur de survie, ou fonction adaptative, de cette réaction de catalepsie animale dans les milieux naturels. Il est bien évident qu'il s'agit d'une réaction assurant une dernière protection à un animal capturé par un prédateur. Remarquons d'ailleurs que les espèces sensibles sont plutôt des animaux-proies et mal armés (lapins, poules, moutons, etc.) et que les animaux réfractaires sont plutôt des prédateurs, porteurs d'armes naturelles redoutables (chats, chiens, etc.). Lorsqu'un animal est capturé par un prédateur et que l'équilibre des forces respectives est par trop inégal, la réaction d'immobilisation totale est la dernière chance qui lui reste de sauver sa vie. En effet, le prédateur est manifestement excité par les mouvements de la proie et la mise à mort n'en sera que plus rapide, alors qu'en cas d'immobilité la proie bénéficiera d'un léger sursis. Il n'est pas rare, particulièrement lorsque le prédateur est encore jeune et malhabile, qu'il relâche un moment son étreinte, ou soit dérangé par un autre prédateur parasite avec lequel il entre alors en compétition, ce qui laisse à la proie une chance de s'enfuir. Cette bonne fortune doit arriver quelquefois aux souris apportées vivantes par des chattes à leurs jeunes lorsque ceux-ci commencent à s'exercer à capturer et à tuer. Hediger rappelle que David Livingstone fut un jour happé par un lion et que le choc provoqua chez lui une forme de stupeur dans laquelle, sans éprouver de peur ni de douleur, il perçut tous les détails de l'aventure qui lui resta intégralement en mémoire. L'utilité de l'association d'une analgésie et de la prolongation de l'immobilisation par le regard se comprend aisément dans cette interprétation naturaliste de la réaction d'immobilisation.
Nous reviendrons sur le fait que l'immobilisation d'un animal en présence d'un prédateur constitue pour de nombreuses espèces la meilleure garantie de survie. En effet, une proie immobile, a fortiori si elle est mimétique, conserve de fortes chances de demeurer inaperçue, l'attention des prédateurs étant surtout attirée par les mouvements.
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