Témoignage personnel sur la semi-liberté de mes tourterelles
Ce soir, j'avais "un peu" envie de parler, alors je me suis dit que le faire sur un forum approprié ne me ferait pas de mal.
Dans ce sujet, je ne parle en rien de vol libre mais juste de semi-liberté. Pour ceux qui me lirait sans voir la nuance entre ces deux notions, la semi-liberté est plus large que le vol libre et ne l'inclut pas forcément, même quand il s'agit d'oiseaux (ex: ratites, oiseaux aux rémiges tronquées, handicapés,..).
Après que mon élevage en semi-liberté ait été à plusieurs reprises compromis par les matous, après moult pensées mêlées de colère, de frustration, de résignation, et encore de frustration, la décision de stopper cette activité qui me passionne tant m'est venu à l'esprit..
A la base, mes tourterelles vivaient en cage, en intérieur. Les laisser régulièrement en sortir ne présentait pas vraiment de risque. Depuis quelques années, après que mon couple (de tourterelles) ait commencé à donner la vie, j'ai dû transférer leur demeure à l'extérieur et leur trouver une résidence plus spacieuse. Bien vite, comme je m'y attendais, les parents (et surtout le père, l'oiseau domestique avec lequel j'ai eu les liens relationnels les plus forts jusqu'à maintenant) se sont mis en devoir de montrer à leur progéniture sevrée, le chemin de la vie (= hors de leur territoire = hors de leur cage-volière).
Les seuls moments où la tension retombait, c'était quand la famille dormait ou quand elle se promenait dans le jardin. Dans ce dernier cas, Prince, le géniteur, se montrait bien moins agressif.
Et puis, alors que j'envisageais d'acheter une nouvelle volière pour les jeunes, la semi-liberté à causer la mort de ma colombe préférée, ma première colombe, Prince. Qu'est-ce que j'en ai versé des larmes quand j'ai retrouvé quelques unes de ses rectrices, un tas de tectrices et quelques gouttes de sang alignées..
Sa disparition a entrainé bien vite un changement dans la hiérarchie de pouvoir au sein de sa famille. Myrka, la mère, a perdu une partie de son pouvoir de domination sur l'un de ses fils qui s'est retourné contre elle mais sans la même agressivité que feu son père, heureusement. Sinon, les frère et soeurs s'entendaient bien entre eux. Ils ont vécu plusieurs mois ensemble, avec leur mère, sans problème. Ce fut le seul point positif à la disparition de Prince.
Je n'ai pas voulu changer ma façon d'élever mes oiseaux _façon qui me tenait à coeur_ et ma fratrie issue de deux nichées en a pâti, par la suite. J'ai perdu le seul mâle de la fratrie, unu tourterelle rieuse d'un phénotype légèrement plus pâle que le sauvage, qui promettait de ne pas se laisser abuser par les chats.
En effet, Faune était très alerte, toujours sur le qui-vive. Son vol était d'une grande précision, d'une rapidité et d'une maniabilité impressionnantes. A la moindre frayeur, il fonçait se percher en hauteur et n'hésitait pas à transpercer les branches d'une haie touffue, d'un vol direct. Il suivait les autres oiseaux du jardin dans leur fuite et, par dessus tout, il se méfiait des chats.
Il répondait parfaitement à mes appels et accouraient de n'importe quelle direction, en zigzaguant à grande vitesse ou non. Ses soeurs, Kylie et Lena, répondaient également à mes appels mais un problème de consanguinité de longue date _je suppose_ les rendait assez gauche en vol. Kylie, l'aînée, la plus touchée par ce problème, avait du mal à orienter ses ailes comme elle le devait. Elle fixait un point, s'envolait vers lui et se mettait aussitôt à décrire involontairement un cercle qui l'éloignait de sa cible, plus qu'il ne l'en rapprochait... Même quand cette cible, c'était moi et que je lui montrais une "friandise". De plus, elle ne faisait aucune différence entre un moineau et un chat comme sa soeur..
Bref, la semi-liberté n'était pas faite pour elle.
Faune a perdu la vie dans mon propre jardin, un matin de bonne heure, alors qu'il avait passé la nuit dans un arbre du voisinage. La nuit je ferme la volière et il n'aurait pu y rentrer même s'il l'avait voulu au moment dramatique. Et moi qui l'avait à plusieurs reprises appelé la veille, bien avant la tombée de la nuit, en vain, je n'ai pu être présent quand il a au besoin de ma protection, aux premières lueurs de l'aube.
Vu où j'ai retrouvé les maigres dernières traces de son existence _au pied d'une barrière de rondins de bois suffisamment large pour qu'un chat s'y promène_ surpris, il n'a pas dû pouvoir esquiver le moindre geste avant d'être lié par son agresseur.
A quoi ça sert de voler vite si le prédateur chasse à l'affût plutôt qu'à courre.
Je n'avais pas beaucoup d'oiseaux mais j'en ai encore perdu après et je dois dire qu'il ne m'en reste plus des masses aujourd'hui; et c'est un euphémisme.
Si seulement j'avais pu leur faire comprendre qu'ils ne devaient jamais s'éloigner de moi plus que nécessaire, que ma présence et mes yeux aux aguets leur assureraient une protection non négligeable hors de leur cage-volière, si seulement j'avais eu moi-même des ailes _histoire de pouvoir les suivre instantanément où qu'ils se dirigent_, et un moyen de les localiser immédiatement, il se peut que nombre d'entre eux seraient encore là aujourd'hui. Si seulement j'avais été moins borné, aussi.
Mais les regrets ne servent à rien; ce qui est fait est fait.
L'idéal aurait été de leur bâtir un vaste enclos extérieur, planté, recouvert d'un toit grillagé assez haut (4 à 5m) mais je ne pense pas qu'une telle construction soit autorisée en zone non rurale... L'idéal n°2 aurait été que mes oiseaux disposent d'une bague émettant des ondes repoussant exclusivement les chats (avec une extrême efficacité) sur une bonne quinzaine de mètres à la ronde. Bien sûr, des ondes totalement inoffensives pour les tympans de tout le monde.
On peut toujours rêvé..
L'idéal n°3, plus réaliste, c'est l'abstention.
Bien sûr, si j'élève des espèces plus farouches et sauvages que celles que j'ai élevées jusque là , le problème ne se poserait plus. Le choix "semi-liberté" serait alors, évidemment, totalement rayé de mes pensées.
Le petit hic c'est que j'affectionne les liens forts, la communication et la confiance que je peux instaurer et entretenir avec les animaux que j'élève (même si, d'un individu sur l'autre, c'est pas toujours ça).
Or si j'élève des animaux attachants et attachés à moi, je ne pourrais que être tenté de les voir évoluer sur les arbres, arpenter la pelouse, s'enfoncer avec curiosité dans la neige, prendre des bains de soleil et des douches de pluie (plumage gonflé, une aile déployée, intrados orienté vers les nuages), tenter d'intimider une pie, se poursuivre dans les airs tout autour du jardin, garder, à défaut du visuel, un contact sonore avec moi, rappliquer à tire-d'aile vers moi à mon appel, ou juste rentrer d'eux-mêmes dans leur logis.
Les voir disparaître au-dessus des haies, puis les voir rappliquer quelques minutes, quelques heures, quelques jours après... ou plus jamais.. les chercher le coeur gros dans tout le voisinage, sonner à toutes les portes, culpabiliser avec légitimité, soutenir le regard des voisins bien-pensants qui s'interrogent sur les causes de leur fugue...
Croire, à chaque "bruit suspect", entendre les appels de mes "mal-protégés"... réaliser qu'il n'en est rien... chercher, fouiller, fouiner, écouter, observer et s'époumoner, durant des heures, en vain... culpabiliser... croiser des chats, certains bien peu farouches... en compter un certain nombre... en caresser certains, tantôt les mâchoires crispées, tantôt le sourire résigné aux lèvres... puis retrouver quelques tectrices, quelques plumes de couleurs caractéristiques au pied d'une haie, et deviné que tout est fini, que tout s'est joué et que je n'étais pas là au bon moment... foudroyer du regard les félins, sans vraiment leur en vouloir...
Rentrer les pieds traînants, ou martelant le sol avec rage. Se diriger vers les "rescapés", les pensées contradictoires, et, avec frustration, leur tailler les rémiges pour qu'ils n'échappent plus à ma surveillance, pour pouvoir les protéger non pas semi-efficacement mais efficacement. Puis, la mémoire courte, assister à la mue puis à la repousse des primaires... ne pas s'y soucier en voyant les "pseudo-mutilés" peu enclins à franchir les limites de mon jardin... Jusqu'au jour où ils maîtrisent de nouveau leur élément et qu'ils s'échappent... puis reviennent d'eux-mêmes ou accourent à mon appel... La confiance règne et "j'oublie" de leur tailler de nouveaux les phanères... Les va-et-vient continuent... jusqu'au jour où tout s'arrête de nouveau...
La fatalité n'a pas sa place dans ces drames. Mes choix, si. Aujourd'hui, j'ai bien réfléchi et je pense qu'à défaut de pouvoir atteindre les idéaux 1 et 2, il est préférable que j'arrête l'élevage en extérieur. Lorsque mes derniers pensionnaires-oiseaux mourront _et j'espère le plus tard possible.._ je ne renouvellerai pas cette activité qui me passionne pourtant, à moins que les chats aient signé entre temps un traité de paix avec les oiseaux plus petits qu'eux.
Je suis heureux d'avoir tissé un lien de confiance avec un rouge-gorge de chez moi. Je ne le vois qu'exceptionnellement la belle saison mais le reste de l'année, je me régale de sa présence.
Libre, il vient à ma rencontre quand il lui plaît ou quand il m'entend siffloter. Il chipe une petite friandise que je lui tends, au cours d'un bref vol sur place puis disparaît sous un buisson, la "proie" au bec.
Il chantonne régulièrement pour indiquer son territoire, révélant sa présence à quiconque sait identifier son chant.
Je n'ai pas à le surveiller. Il sait trouver sa pitance sans mon assistance. Il est parfaitement adapté à réagir face à la prédation, connaît le profil de ses ennemis potentiels et s'enfuit de façon réflexe dès qu'il pense déceler un danger, proche ou lointain. Libre de ses déplacements, il peut trouver d'autres points d'eau que ceux de mon jardin.
S'il lui arrive quelque chose un jour, je serai triste mais au moins je ne serai pas bouleversé par la culpabilité. La prédation fait parti de la vie sauvage qu'il mène. C'est peut-être ça, la solution: tisser des liens avec la faune sauvage tout en essayant de maintenir une certaine distance entre elle et nous, afin de ne pas pousser ceux qui nous font confiance vers des ornithophiles mal intentionnés (collectionneurs dans l'âme ou non), qui les priveraient de leur liberté sans hésiter et, bien souvent, de façon non ponctuelle, les empêchant ainsi d'apporter leur contribution au maintien du pool génétique de leur espèce.
Donc, même cette solution (loin de l'élevage) a ses limites..
A quand la solution miracle pour satisfaire pleinement les inconditionnels adeptes de l'élevage aviaire en semi-liberté?
Cordialement
P.S: Encore un ou deux message comme ça et je parviendrai à saturer l'espace libre du forum de NVC. Gniark! Gniark!