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Congrès cnvspa/afvac septembre 2003 Toulouse journée zoonose
Dr Christophe FEIX 

CHLAMYDIOSE

PSITTACOSE-ORNITHOSE

  

I. La bactérie

  

1.      Terminologie

La chlamydiose aviaire est causée par une bactérie gram-négative Chlamydophila (C.) psittaci. Chlamydophila est un nouveau nom de genre adopté dans la reclassification qui a séparé la famille Chlamydiaceae  en deux genres : Chlamydia et Chlamydophila.
Les autres espèces du genre Chlamydophila sont C. felis (habituellement rencontré chez les chats), C. abortus (ovins, bovins et caprins) et C. caviae (cochon d’inde).
Au début, la chlamydiose aviaire a été nommé psittacose, cette maladie était  associée aux psittacidés (perruches et perroquets) et aux personnes en contact avec ces oiseaux.
En 1941, le terme de « ornithose » a été évoqué en référence à la chlamydiose contractée via les volailles domestiques et les oiseaux sauvages autres que les psittacidés.
Ces maladies chez les oiseaux sont considérées comme similaires, et le terme de chlamydiose aviaire est maintenant utilisé.
La psittacose est un terme qui tend à être utilisé pour décrire cette maladie chez l’homme.

 

2.      Etiologie

 

C. psittaci se décompose en 8 sérovars connus.
Les sérovars peuvent être identifié par immunofluorescence indirecte en utilisant des anticorps monoclonaux spécifiques, par PCR (Polymerase Chain Reaction). Au moins 6 sérovars distinctes (A à F) de C. psittaci sont considérés comme endémiques aux oiseaux.
Chaque sérovar apparaît être associé, en partie ou totalement, à différents groupes ou ordres d’oiseaux.

 Répartition des sérovars en fonction des espèces d’oiseaux. 

Sérovar

Hôtes associés

A

Psittacidés

B

Pigeon, tourterelle

C

Canard, oie

D

Pintade

E

Pigeon, pintade

F

Psittacidé

Des études épidémiologiques indiquent que les sérovars ont une distribution mondiale.
Les sérovars aviaires sont différents de ceux qui sont habituellement associé à la chlamydiose des mammifères.
Cependant, les agents aviaires peuvent infecter l’homme et les autres mammifères, et causer de graves maladies et parfois la mort.
La transmission de cette maladie entre homme a été évoqué mais n’est pas considéré comme étant un réel problème. 
 

3.      Les hôtes 

C. psittaci est connu pour pouvoir infecter de nombreuses espèces d’oiseaux de cage et de volière, de volailles et d’oiseaux sauvages.
 Les taux d’infection varient énormément suivant les études.
 Les infections persistantes, s’étalent sur quelques mois à plusieurs années, sont très communes.

La prévalence de l’infection à C. psittaci chez différents oiseaux de compagnie ou de zoo n’est pas très bien documentée.
Une surveillance des oiseaux chez les éleveurs professionnels et dans les animaleries en Allemagne entre 1984 et 2000 a permit de chiffrer la prévalence à 6% chez les perroquets gris du Gabon et presque 15% chez les cacatoès et « autres passériformes ».

 C. psittaci a été isolé sur des oiseaux sauvages, et plus de 376 espèces ont été trouvés positives, les psittacidés et les pigeons ayant les plus forts taux d’infection.
Un grand nombre d’étude nous montre que chez 10% des oiseaux le germe a été isolé et que plus de 30% ont une sérologie positive.
En particulier, les oiseaux sauvages vivant au contact de l’homme, comme les mésanges (Parus spp).
Les souches isolées de ces oiseaux sauvages ne semblent pas être pathogènes pour ces hôtes, mais très virulent sur les oiseaux domestiques et sur l’homme.
Chez les oiseaux sauvages, C. psittaci tend à produire des infections persistantes avec des périodes de d’excrétion.

 

II. La maladie 
 

1.      La maladie chez les oiseaux 

Chez les oiseaux, C. psittaci induit une infection systémique, avec des variations suivant la souche et l’hôte.
 Les signes cliniques typiques chez les hôtes sensibles avec une souche très virulente incluent des signes respiratoires, du jetage nasal et oculaire mucopurulent. Une souche de faible virulence produit des signes cliniques similaires mais beaucoup moins important.
Cependant les infections asymptomatiques peuvent arriver aussi bien avec une souche faiblement virulente qu’avec une souche hautement virulente.

La période d’incubation varie naturellement suivant les souches et les hôtes, le nombres de particules inhalées, ainsi que l’âge de l’hôte, les jeunes étant plus sensibles. Cela peut aller de 3 jours à plusieurs semaines, mois voir année.
 

2.      Contamination entre oiseaux 

La transmission se fait d’un oiseau infecté à un autre oiseau sensible dans un milieu restreint. C. psittaci est excrété dans les fientes et le jetage nasal. L’excrétion fécale reste intermittente, et peu être activée par des facteurs de stress, incluant l’achat, le déplacement, la manipulation.

Les modes de transmission le plus courant sont l’inhalation et l’ingestion de matériel contaminé.
 Les contaminations directes par mise en suspension dans l’air de particules respiratoires ou de fientes sont considérées comme très courantes lors des épidémies.

C. psittaci peut aussi être transmis dans le nid. Chez plusieurs espèces, comme les colombiformes, les cormorans, les aigrettes, et les hérons, la transmission se fait lors du nourrissage du jeune par régurgitation. Pour elle passe par la contamination du nid par le jetage ou les fientes.
De plus, les arthropodes pourraient jouer un rôle dans la transmission dans le nid.

La contamination a été mise en évidence chez les volailles. 

Un soin particulier doit être donné dans le nettoyage du matériel car cette bactérie peut y survivre plus de 30 jours.
Nous utilisons de façon très efficace de l’alcool 70° ou encore des ammoniums quaternaires. 

3.      Diagnostic 

Le diagnostic de C. psittaci est rendu difficile à cause des infections persistantes sans signes cliniques sur les oiseaux.
 La méthode de choix reste l’isolement de la bactérie, la PCR reste une bonne alternative.
Le titrage des anticorps traduit une infection passée ou présente.
 

Isolement 

L’isolement de C. psittaci est la méthode standard pour la recherche des infections en cours chez  l’oiseau.
 Il est important que les prélèvements soit frais, mis dans un milieu spécial et réfrigéré.
Il est recommandé de pratiquer un prélèvement buccal, cloacal et de fientes sur des oiseaux vivants, et de répéter ces prélèvements à quelques jours d’intervalle afin de ne pas passer à coté d’un excréteur intermittent.
 L’isolement se fait sur œuf embryonné, puis confirmé par des techniques immunofluorescences.

 

PCR 

Un grand nombre d’articles reporte l’utilisation des techniques PCR pour détecter C. psittaci, plusieurs stratégies  sont même utilisées.
Ces tests recherchent l’ADN de C. psittaci dans des prélèvements de tissus, de fientes, dans des écouvillonnages buccaux ou cloacaux.
Ils sont très sensibles, rapides et faciles à utiliser.

 
 

Enzyme linked immunosorbent assay (ELISA) (recherche d’antigène)

 

Les kits ELISA sont utilisés pour détecter les antigènes dans les infections humaines.
 Ils détectent les lipopolysaccharides de toutes les espèces de Chlamydophila.
 Ces tests peuvent être utilisés sur les oiseaux, mais ils manquent alors de sensibilité.

 

Tests sérologiques

 La fixation du complément est le test le plus utilisé pour la détection des anticorps anti-C. psittaci, cependant il est complexe et il existe chez certaines espèces des anticorps anti-complément.
Le diagnostic d’une infection chez un oiseau passe par une augmentation des titres d’anticorps dans le temps.
Les autres tests sérologiques manquent cruellement de sensibilité et de spécificité.

 

 

4.      Vaccination

Il n’y a pas de vaccin commercialisé.

 

5.      Traitement des oiseaux infectés

 

Dans certains cas il est parfois préférable de proposer l’euthanasie des oiseaux.

Le traitement des oiseaux infectés est à base d’antibiotique.
 Les tétracyclines sont considérées comme les antibiotiques de choix, les quinolones (enrofloxacine) ou les macrolides (azithromycine) sont aussi utilisés.

 La chlortétracycline est donnée dans la nourriture à la dose de 500 à 5000 ppm, cela dépend de l’espèce de l’oiseau à traiter et du type de nourriture.
 Le problème majeur est que les oiseaux refusent de manger de l’aliment traité aux tétracyclines.
Les injections intramusculaires d’oxytétracycline sont parfois envisagées sur les oiseaux de grandes tailles, mais il y a de nombreux effets secondaires dont une nécrose musculaire importante au point d’injection.
Avec toutes les tétracyclines se pose le problème de l’élimination de la flore digestive normale.

La doxycycline est aussi utilisé en injection ou dans la nourriture (1000mg/kg).
Elle peut aussi être utilisée dans l’eau de boisson, de plus elle apparaît plus stable dans l’eau que dans la nourriture.
Elle semble aussi mieux accepté que les autres traitements ce qui permet d’atteindre rapidement une concentration sanguine supérieure à 1mg/ml (dose qui permet l’arrêt des réplications de C. psittaci et qui permet au système immunitaire de l’hôte d’éliminer l’infection).
De plus cela reste une molécule peu coûteuse. 
L’enrofloxacine est devenue en peu de temps la molécule à la mode chez les oiseaux, elle est aussi un très bon antibiotique dans le cadre du traitement de la chlamydiose aviaire.

Dosage des antibiotiques actifs dans le traitement de la chlamydiose aviaire

 

Principe actif

Dose

Oiseaux

Durée

 

500 à 5000 ppm dans la nourriture

Tous

30 à 45 jours

Chlortétracycline

1000 à 1500 ppm dans l'eau de boisson

Canaris

30 à 45 jours

 

1500 ppm dans la nourriture

Canaris

30 à 45 jours

 

40 à 50 mg/kg toutes les 8 à 12h

Pigeons

30 à 45 jours

 

25 à 50 mg/kg toutes les 24h

Tous

30 à 45 jours

Doxycycline

1g/kg de nourriture

Tous

30 à 45 jours

 

250 mg/litre d'eau de boisson

Canaris

30 à 45 jours

 

10 à 15mg/kg toutes les 12 à 24h

Psittacidés, pigeons

21 jours

Enrofloxacine

100 à 200mg/litre d'eau de boisson

Psittacidés, pigeons

21 jours

 

500 ppm dans la nourriture

Psittacidés

21 jours

 

200mg/litre d'eau de boisson

Canaris

21 jours

 

200mg/kg de nourriture

Canaris

21 jours

 

6.      Les infections humaines à C. psittaci 

De 1988 à 1998, 813 cas d’infection ont été recensé par le CDC (Center for Disease Control and Prevention, Etats Unis).
La plupart résulte d’une l’exposition à des oiseaux de compagnie contaminés, généralement  des psittacidés comme les calopsittes, les perruches ondulées, les perroquets ; d’autres cas font intervenir des oiseaux de compagnie non-psittacidés (petits exotiques, canaris, pigeons, tourterelles, et mainates).

En Allemagne, où les cas de psittacose humaine sont bien dénombrés, 790 cas ont étaient reporté entre 1995 et 2000.
Au Danemark, 57 cas ont été reporté du 01.09.1995 au 31.12.1998 et 30 cas en 1999.
En Suède, 336 cas entre 1973 et 1977. En Angleterre, 587 cas entre 1977 et 1979…

 

Les signes cliniques chez l’homme varient d’un syndrome grippal à une maladie systémique sévère avec pneumonie et possibilité d’encéphalite.
La maladie est rarement fatale chez les patients traités correctement et rapidement.
Aussi la prise en compte du risque et le diagnostic précoce sont importants.
Les personnes les plus à risques sont les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes et les immunodéprimés.
Les personnes infectées présentent typiquement des maux de tête, des frissons, des malaises et des myalgies avec ou sans signes respiratoires.

 

Une attention particulière doit être apporter à la manipulation des oiseaux infectés.

La plupart des infections sont transmises à l’homme par inhalation mais peuvent très bien se faire par contact direct (nez-bec, manipulation de plumage ou de tissu contaminé).
La chlamydiose doit être considéré comme un risque réel chez les animaliers, les vétérinaires aviaires et les employés en production avicole.
La transmission d’homme à homme est rare mais possible. La transmission de l’homme à l’oiseau n’est pas documentée.

 

Conclusion 

La chlamydiose est une maladie encore bien présente chez les oiseaux.
A cause de la distribution mondiale de C. psittaci, il faut envisager tous les oiseaux présentés en consultation
comme potentiellement infectés ou alors porteurs sains.
 Nous préconisons, en pratique courante le dépistage des porteurs sains et des malades, car le vétérinaire a une responsabilité sanitaire vis à vis de ses clients.
Il ne faut pas minimiser les risques, ils existent.
Une vigilance particulière doit être apportée dans la pratique quotidienne, car tout oiseau malade peut être chlamydien.
Il ne faut pas hésiter à porter des masques, surtout lors des autopsies.
 Les principes d’hygiène restent de rigueur en toutes situations.

 

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